En réunissant les textes d’experts et militants des deux bords, « Israël-Palestine, année zéro » croise les récits, les regards, sur les drames qui secouent la région.
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David Khalfa, codirecteur de l’Observatoire du Maghreb et du Proche-Orient à la Fondation Jean-Jaurès. |
Écrit par Céline Lussato
La déflagration du 7-Octobre, dont nous observons toujours, un an après, les ondes de choc en Israël, à Gaza et dans toute la région, constitue à bien des égards une rupture historique dans le conflit israélo-arabe. C’est partant de ce constat que David Khalfa, codirecteur de l’Observatoire du Maghreb et du Proche-Orient à la Fondation Jean-Jaurès, a dirigé un vaste ouvrage collaboratif intitulé « Israël-Palestine, année zéro » qui réunit les voix de chercheurs, diplomates et militants à la fois israéliens, palestiniens et français.
Au-delà du tour de force que représente dans ces temps de haine et de déchirure le simple fait de faire cohabiter sous une même couverture des personnalités d’horizons si différents, ce livre permet au lecteur de croiser les récits des drames et traumatismes qui secouent la région, et les analyses politiques (David Khalfa, Ghaith al-Omari du Washington Institute), militaires (le général Amos Yadlin, l’expert Ron Ben-Yishaï), sociétales (Rula Daood de l’ONG Standing Together, la militante pacifiste Huda Abuarquob) ou diplomatiques (l’ancien ambassadeur Elie Barnavi, la chercheuse Yasmina Asrarguis) au Proche-Orient, mais pas seulement. Car David Khalfa a également sollicité la sociologue franco-israélienne Eva Illouz sur les conséquences du 7-Octobre pour les gauches françaises et les mouvements féministes ou l’historienne française Ludivine Gilli sur les relations israélo-américaines durant ces douze derniers mois.
« Ce livre est parti davantage d’une émotion que d’une réflexion. Après le 7 octobre 2023, l’atmosphère intellectuelle était franchement irrespirable et la polarisation extrême. Le conflit était vu comme un jeu à somme nulle opposant le bien et le mal, le juste et l’injuste, confit David Khalfa. Il me semblait fondamental, dans cet environnement, d’essayer d’apporter un sens de la nuance, de l’expérience grâce bien sûr aux témoignages d’acteurs de terrain, de l’expertise, mais aussi une éthique de la conversation parce que cela manquait cruellement dans le débat public. »
Et la paix ?
Avec une question plus ou moins explicite mais toujours présente au fil des chapitres : quelle paix est encore possible entre les peuples de la région ? Tandis que l’extrême droite au pouvoir en Israël mène, plus que jamais, une politique de colonisation en Cisjordanie, continue de bombarder Gaza, et pousse à une nouvelle occupation de l’enclave, côté palestinien, le jusqu’au-boutisme des islamistes du Hamas semble réduire à néant les espoirs de paix.
Mais des voix modérées existent auxquelles « Israël-Palestine, année zéro » donnent la parole comme le militant palestinien Ahmed Fouad Alkhatib. Installé depuis dix ans aux États-Unis, ce chercheur au centre de réflexion Atlantic Council à Washington est originaire de Gaza où quelque 30 membres de sa famille ont trouvé la mort sous les bombes israéliennes. Courageusement, il appelle néanmoins les voix modérées au dialogue. « Il n’y a pas d’autre voie possible, insiste-t-il lors d’une rencontre à Paris. Les Palestiniens souhaitent une paix durable avec les Israéliens. Nous savons pertinemment que sur ce petit territoire “from the river to the sea” [ “de la rivière à la mer”, autrement dit du Jourdain à la Méditerranée, NDLR] 14 millions de personnes [Israéliens et Palestiniens] n’iront nulle part ailleurs. Il n’y a donc en réalité qu’un seul scénario raisonnable, celui du dialogue », veut-il croire.
Entre témoignages, analyses et engagements militants, l’ouvrage dirigé par David Khalfa permet de prendre, un temps, un peu de hauteur sur les événements.
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« Israël-Palestine, année zéro », Le Bord de l’eau, octobre 2024, 394 p., 16 euros.
[Photo : SÉBASTIEN LEBAN - source : www.nouvelobs.com]
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