Le dirigeant des Verts, Yannick Jadot, au soir du
scrutin européen, le 26 mai 2019, à Paris.
Stéphane de Sakutin/AFP
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Écrit par Daniel Boy
Directeur de recherches émérite à Sciences Po, Sciences Po – USPC
Directeur de recherches émérite à Sciences Po, Sciences Po – USPC
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Alors que les sondages pré-électoraux les situaient généralement entre 7 % et 9 %, ils réalisent en France le score confortable de 13,5 %. Il est vrai que les écologistes ont toujours obtenu leurs meilleurs résultats lors des élections européennes : en 1989, déjà, la liste menée par Antoine Waechter avait obtenu 10,59 % des suffrages exprimés. Plus récemment en 2009, le parti d’Europe Écologie Les Verts (EELV), constitué depuis peu, réalisait le score record de 16,28 %.
Si, aujourd’hui, on admet de compter non seulement les voix recueillies par EELV mais aussi l’apport des listes « Urgence écologique » (1,82 %) et Parti animaliste (2,17 %), on obtient un total de 17,46 %.
Un scrutin qui réussit bien aux écologistes
Les raisons de cette spécificité du vote européen sont connues. Les électeurs savent aujourd’hui que cette Europe tant décriée par ailleurs a au moins la vertu de légiférer assez efficacement dans le domaine de la protection de l’environnement. Une bonne partie de notre législation environnementale provient de directives européennes – qu’il s’agisse de la qualité de l’air et de l’eau, de la protection des espaces naturels (Natura 2000) ou très récemment de l’interdiction de la pêche électrique.
Il est probable aussi que les électeurs français admettent jusqu’ici plus volontiers de confier des responsabilités aux écologistes au niveau local (communes, régions) et au niveau supranational (Union européenne) davantage qu’au niveau national (présidentielle, législatives).
Enfin, une dernière raison tient à la spécificité du mode de scrutin proportionnel en vigueur dans les élections européennes. Avec un scrutin de ce type, les écologistes sont dispensés du souci de rechercher un partenaire politique plus puissant susceptible de les épauler, comme c’est le cas lors des élections législatives.
Le nouveau virage écologique de la gauche
Plusieurs raisons expliquent le fait que le score obtenu par les Verts a constitué une véritable surprise. La première est que l’on doutait de la bonne santé du parti Vert affecté par de multiples querelles de personnes. Le refus de cautionner le choix de Manuel Valls comme premier ministre avait entraîné des désaccords profonds au sein du mouvement et conduit au départ de leaders Verts de premier plan (François de Rugy, Jean‑Vincent Placé).
S’ajoutant à ce contexte, la séquence électorale de 2017 avait été catastrophique pour les Verts, comme pour leurs alliés socialistes. Contraints de renoncer pour la première fois de son histoire à une candidature écologiste lors de la présidentielle, les Verts ont aussi sombré électoralement avec leur partenaire socialiste lors des législatives qui ont suivi, perdant ainsi une bonne partie des fonds liés au financement public des résultats électoraux.
Enfin, lors de la campagne des européennes, beaucoup d’observateurs avaient noté que des partis autres que les Verts avaient fortement infléchi leur offre électorale en proposant des mesures supposées répondre aux crises environnementales.
Ce sont, pour l’essentiel, les partis de gauche qui ont suivi cette nouvelle stratégie. Jean‑Luc Mélenchon pour les Insoumis et Benoît Hamon (Génération·s), candidat socialiste à la présidentielle de 2017, avaient anticipé ce mouvement. Aujourd’hui, le Parti socialiste (désormais intitulé PS Social Écologie) et le Parti communiste – qui a réuni en mai 2018 des « Assises communistes de l’Écologie » – confirment ce nouveau virage idéologique.
Des conversions tardives qui n’ont pas convaincu
Pourtant, les résultats désastreux des partis de gauche (PC, Génération·s, LFI, Parti socialiste) démontrent clairement que les électeurs de sensibilité écologiste n’ont pas été séduits par cette apparente conversion aux valeurs de l’écologie. Bien au contraire, il est vraisemblable que les médiocres résultats de la gauche s’expliquent pour partie par une désertion d’une fraction de leurs électeurs en faveur de la liste d’EELV.
Pour quelles raisons ces stratégies ont- elles échoué ? Sans doute parce qu’il est toujours difficile de croire aux conversions tardives, qui ressemblent souvent à des alignements de circonstance plus qu’à des convictions profondes. Peut-être aussi parce que, selon la formule consacrée, les électeurs préfèrent généralement l’original à la copie.
Enfin, pour une raison de stratégie électorale bien comprise : On sait qu’au sein du Parlement européen, les Verts, bien que peu nombreux, ont fait preuve d’intelligence et de ténacité pour peser sur les politiques publiques environnementales de l’Union européenne (par exemple, dans la lutte qui a conduit à l’interdiction de la pêche électrique). Pour ceux qui privilégient l’enjeu environnemental, voter pour un renforcement du groupe Vert est sûrement une stratégie plus sûre que de voter en faveur de partis de gauche qui, au sein du Parlement européen ne sont pas leaders dans le domaine des politiques d’environnement.
La mobilisation d’une partie des jeunes
Certains éléments pouvaient, cependant, inciter les observateurs à anticiper le bon résultat des Verts. C’est, d’abord, la vigueur des alertes émises dans les derniers mois par les scientifiques sur la montée du risque climatique et sur la dégradation inquiétante de la biodiversité.
Ce sont ensuite les diverses manifestations, comme en réponse à ces alertes, telles que les « Marches pour le Climat » ou les actions de terrain du groupe Extinction Rebellion. Mais la conversion de convictions en votes n’est sûrement pas un phénomène purement mécanique, et l’on pouvait par conséquent douter de la réalité de cette conversion.
Au lendemain de cette élection, nous n’avons pas de preuve effective que les bons résultats des Verts s’expliquent principalement par une mobilisation en réponse aux messages de la communauté scientifique. Mais certains éléments vont cependant dans ce sens. Ainsi, il semble clair qu’une fraction des classes d’âge les plus jeunes (18-24ans), plus présente dans les mobilisations de terrain, a aussi contribué, davantage que dans les élections antérieures aux bons résultats des Verts.
Selon l’IFOP, 23 % des jeunes de 18-24 ans auraient choisi le vote en faveur de l’écologie contre 15 % pour LREM, et 14 % pour le RN. Il ne faut pas déduire de ces chiffres une conversion massive de la jeunesse en faveur de l’écologie : vraisemblablement, les jeunes en question appartiennent plus souvent à des milieux aisés, sont plus souvent étudiants ou lycéens, et moins souvent membres des catégories populaires, comme du reste l’ensemble de l’électorat écologiste. Ce résultat, cependant, diffère de ce que l’on observait auparavant.
Une troisième force durable ?
La réussite des Verts lors des élections européennes signifie-t-elle que, désormais, l’écologie politique tiendra ce rang de « troisième parti » de France dans les élections à venir ? Pour les prochaines élections, les municipales de 2020, il est probable que le niveau actuel des écologistes leur permettra de revendiquer plus qu’auparavant des positions de leadership dans d’éventuelles alliances avec leurs partenaires de gauche.
Pour l’avenir plus lointain, tout dépendra de la capacité des partis de gauche à imaginer et à mettre en œuvre une reconstruction fructueuse de la nébuleuse de gauche. Elle sera sans doute longue et complexe à mettre en œuvre, mais si elle réussit, les Verts devront composer avec elle.
Et ils seront à nouveau confrontés à un problème non résolu : comment accéder au pouvoir national avec un mode de scrutin (majoritaire à deux tours) qui, compte tenu du niveau électoral de l’écologie politique impose l’apport d’un partenaire plus puissant ?
[Source : www.theconversation.com]
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