Brunhilde Pomsel était au cœur de la machine de propagande nazie. Alors qu’un documentaire sort à son propos, elle affirme qu’elle "ne savait rien".
Dans le documentaire "A German Life", Brunhilde Pomsel raconte son passé de secrétaire du ministre de la Propagande nazie Joseph Goebbels (Blackbox Film & Medienproduktion) |
Elle a été dans l’ombre de la terreur. Brunhilde Pomsel a travaillé au ministère de la Propagande à partir de 1942, alors qu’elle avait 31 ans. Elle était plus précisément la secrétaire de Joseph Goebbels, l’un des personnages clés du régime nazi. Auparavant, elle travaillait déjà en tant que secrétaire pour le compte de la radio d'État.
Comme le rapporte le "Guardian", Brunhilde Pomsel, aujourd’hui âgée de 105 ans, donne sa première et unique interview dans le documentaire "A German Life". Elle a perdu la vue l’année dernière et dit qu’elle est soulagée de savoir que ses jours sont comptés. "Dans le peu de temps qui me reste - et j’espère que ce sera plutôt des mois que des années - je m’accroche à l’espoir que le monde ne soit pas à nouveau bouleversé comme à l’époque". Pour autant, "il ne s’agit pas de soulager [sa] conscience". Car elle "[n’a] rien fait d’autre que taper à la machine dans le bureau de Goebbels".
"Ces gens qui, de nos jours, disent qu’ils se seraient élevés contre les nazis - je pense qu’ils sont sincères, mais croyez-moi, la plupart ne l’auraient pas fait."
"Nous ne savions rien"
Brunhilde Pomsel se souvient avoir eu entre les mains le dossier de Sophie Scholl, activiste anti-nazi, exécutée en 1943 à l’âge de 21 ans pour avoir distribué des tracts contre la guerre. "L’un des conseillers de Goebbels m’a dit de le mettre dans le coffre-fort et de ne pas le regarder. Je ne l’ai pas fait et j’ai été plutôt contente de moi qu’il me fasse confiance, et que mon souci d’honorer cette confiance soit plus fort que ma curiosité d’ouvrir ce dossier", raconte-t-elle.
Elle se souvient d'Eva Löwenthal, une ses amies juives "disparues" ou comment elle a été choquée par l’arrestation d’un présentateur très populaire de la radio d’État, envoyé dans un camp de concentration parce qu’il était homosexuel. Mais dans l’ensemble, elle dit être restée dans sa bulle, inconsciente de la destruction engendrée par les nazis.
"Je sais que personne ne nous croit aujourd’hui - tout le monde pense que nous savions tout. Nous ne savions rien, tout était bien gardé secret".
Quant à la mystérieuse disparition des juifs, elle dit avoir cru dur comme fer qu’ils étaient envoyés dans la Région des Sudètes, qui avait besoin d’être repeuplée. "Nous l’avons cru - nous l’avons avalé - ça semblait tout à fait plausible", dit-elle.
Dans le bunker
En 1945, lors des derniers jours de la guerre, Hitler ordonne à Goebbels et à son entourage de le rejoindre dans son bunker. "J’avais l’impression que quelque chose était mort en moi", explique Brunhilde Pomsel. "Nous essayions de nous assurer de ne pas manquer d’alcool. C‘était nécessaire, afin de rester engourdis." Finalement, c'est l’assistante de Goebbels qui lui annonce que Hitler s’est suicidé, puis Goebbels, avec son épouse Magda, après qu'elle a tué leurs six enfants en les empoisonnant au cyanure. "Nous avons été sidérés", se rappelle-t-elle.
Une fois arrêtée, Brunhilde Pomsel n’a pas caché sa fonction. Elle a été condamnée à cinq ans de prison dans des camps de prisonniers russes dans Berlin et aux alentours.
Elle a attendu 2005, à l'ouverture du Mémorial de l'Holocauste, pour aller s'enquérir du sort de son amie Eva Löwenthal. Déportée en 1943, elle est morte en 1945.
A.S.
[Source : www.nouvelobs.com]
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